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« … Car l’âme de l’Homme est la terre naturelle du Verbe »

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In Principio erat Verbum (Au commencement était le Verbe).

Ce même Verbe, manifestation divine, que l’on retrouve dans la phrase extraite de notre rituel. Cette dernière appert comme la conclusion d’une étape dans le cycle d’évolution. La fin du premier degré, celui d’apprenti, tout en annonçant le début du second. Il s’agit d’une phrase déclarative, mais qui induit par son vocabulaire, un questionnement.  Qu’as-tu appris tout au long de ce grade ? Dans qu’elle terre a poussé ce Verbe? Que s’est-il créé, développé en toi ? A quel fruit la graine a-t-elle donné le jour ? Comment l’utilises-tu ?

Dès la chambre de réflexion, le sol est préparé, le limon répandu.  La cérémonie de réception  permet, par la boisson d’oubli, le « nettoyage » du ferment par la dissolution des anciennes racines stériles, où de celles ayant données des fruits surannés. Car la découverte de la connaissance et plus avant de la véritable mémoire, passe par l’oubli des choses vaines ! L’ensemencement suit, avec la boisson de mnémosyne, et le tuteur est installé dès la première instruction.

A partir de cet instant, le temps et le soin apporté rituellement, par petites touches, comme l’on arrose une graine avec parcimonie et justesse ; l’énergie du Soleil, incarnée par le Vénérable maître, l’attention du jardinier que représente le Second Surveillant et bien d’autres encore, deviennent les vecteurs de la croissance.

En Franc-Maçonnerie, le silence est un des éléments constituant le ferment de l’apprenti et la valeur de la parole est donnée au compagnon ; avant que sa maîtrise ne soit effective à partir du grade supérieur.

Quels en ont été les effets sur moi ? A travers notamment les travaux préparés, j’ai appris la réflexion fine des symboles et leurs extrapolations, à mon grade. La mise en ordre de mes idées et leur enrichissement par l’écoute des planches tracées de mes aînés. L’analyse, puis l’intériorisation de toutes ces données. La vibration de ces paroles a engendré cohérence et harmonie de l’ensemble. Les différents passages entre les colonnes, furent autant d’épreuves qui bien qu’imposées ont été très bien vécues et m’ont permis une appropriation progressive du grade. Une affirmation de ma personnalité, que cela soit à travers la présentation de travaux ou lors du tracé du tapis de Loge qui constitue un acte magique que chacun effectue en évoquant les mêmes forces, mais selon une sensibilité propre à celui ou celle qui le réalise. De la même manière que le tracé du tapis de loge est soumis à l’approbation des FF:. et SS:. de l’atelier, c’est bel et bien par le choix des mots justes et leur expression que les travaux peuvent être commentés ; mais également par la conclusion consacrée « j’ai dit » que se révèlent la vision,  la compréhension, la sensibilité et l’affirmation de chacun.

Au début de mon chemin, les mots étaient là, mais comme bloqués. Retenus captifs par les forces antagonistes que sont le besoin de communiquer, d’être reconnu comme individu, d’être entendu d’une part ; et la peur de ne pas être compris, de ne pas être aimé pour ce que l’on est d’autre part.

Je ne vis pas ce grade comme un enfermement, mais au contraire comme la promesse de l’éclosion de ma vie intérieure. Ainsi, la Franc-Maçonnerie, à travers le grade d’apprenti, m’a ouvert un espace de liberté et d’échanges constructifs amenant un remodelage en profondeur. Car l’espace libre permet le mouvement, donc l’évolution. De fait, c’est ma nature et plus avant mon âme elle-même qui s’en est trouvée transformée, révélée. Ma pierre s’est dégrossie ; le temps a fait son œuvre. Ma parole s’est libérée dans les formes adéquates, en loge mais aussi dans le monde profane. Savoir parler de soi, de ce que l’on ressent. Ne plus soliloquer, être dans l’échange, dans le dialogue. Toucher les autres. Faire rayonner le tracé lumineux figuré par nos trois colonnettes, par les actes et les paroles.

Mais la graine pour germer, a besoin aussi de se nourrir de substrat qu’elle puise dans son environnement natal, dans sa terre naturelle. L’âme de chacun étant unique, l’existence même de cette matière, sa qualité, sa quantité, détermine la composition de cette terre sacrée.

L’âme, la Dame de la Demeure, celle qui se tient en sa maison attendant d’être fécondée par son époux l’Esprit.

Puisque tout homme possède une âme, chaque individu nourrit la graine universelle qu’est le Verbe d’une façon unique.  Mais en traversant les différents corps, les différentes couches de l’âmes, depuis l’esprit Sa-Hu jusqu’au corps physique, l’émanation du Verbe semé va perdre en puissance jusqu’à ne devenir qu’un pâle reflet en ce monde hylique. Et un reflet n’étant pas créateur, la parole, à ce stade, ne peut donc être créatrice. Le corps physique est imparfait et ne peut, de part sa structure même, recevoir la force du Verbe divin. La chair périssable, vectrice de la phonation, ne permet pas en tant que telle une action aussi puissante que celle de créer par la SEULE parole. Ne dit-on pas que l’Homme n’a été créé qu’à l’IMAGE de Dieu. Sans doute par une action que nous dévoile l’anagramme de ce mot, la MAGIE. Cette science du Verbe, de l’action du Principe en vue de créer la manifestation vitale. Cette connaissance approfondie des gestes et des forces vibratoires du son.

Unir tous nos corps, réunir Sa et Hu, la connaissance et son principe nourricier, pour un jour, peut- être, incarner le Verbe retrouvé et exercer sa magie créatrice. La voix se doit d’être « juste » pour devenir conceptrice, c’est-à-dire en harmonie avec les forces constructives de la Nature, de SA nature. C’est sur le chemin de la reconstruction que le Franc-Maçon s’engage. Cette voie de guérison qui s’adresse au corps physique et sa structure, par l’équarrissement de sa pierre, dès le grade d’Apprenti, entreprenant l’édification progressive de son temple intérieur. C’est pourquoi ces trois premières marches, ces trois premiers degrés (Apprenti, Compagnon, Maître), ces trois plans (physique, astral, spirituel), ce ternaire (corps, âme, esprit) sont si importants, si déterminants pour l’évolution, l’ascension future du maçon. Elles doivent être gravies une à une, avec vigilance et persévérance dans le recueillement de notre être profond, guidé par ceux qui nous ont précédés, qui ont atteint la marche palière.

L’apprenti chemine dans le monde chtonien qu’il s’approprie peu à peu, au sein de la matière, sur l’équerre. Proche de la sortie, il commence à percevoir que quelque chose d’autre se trouve au-delà, caché derrière. Peut être, un compas.

Thot, le dieu lunaire, est appelé : les lèvres de Râ. Il est son vicaire, son reflet nocturne. Il est son porte-parole dans la nuit. L’ibis sacré nous apprend que si l’Intelligence est l’image de Dieu, le corps est l’image de l’idée et l’idée… l’image de l’âme !

Notre existence en ce monde est plongée dans l’ombre. L’au-delà en est, peut-être, la partie diurne. Mais, comme Af, le Soleil nocturne, doit subir des épreuves pour se préparer à un nouveau cycle régénéré, nous nous devons de relever les défis qui nous sont imposés ici-bas pour nous retrouver en plénitude sur le chemin de l’Empyrée. Notre langage est une parcelle de lumière dans ce monde obscur. Il est la demeure de notre âme !

Selon les textes, Dieu se manifesta à lui-même, affirma son ipséité par son Verbe, par la Parole. Et l’Unité devint deux. C’est le premier dédoublement Tem-Râ. Le passage de la raison abstraite, de la création en principe, à la manifestation par la force active, littéralement « l’Action de la bouche » : le Verbe-Râ. De ce dédoublement primaire, naquirent quatre couples par émission successive. Le troisième fut Osiris et Isis, le principe de Vie qui est dans la graine et ne se manifeste que si celle-ci est enterrée. Ce couple symbolise le développement du principe d’Expansion de Shou.

Pour que la manifestation se concrétise en matière, le Verbe avait besoin d’un champ d’action et d’une force. Le binaire devint ternaire par la substance de vie contenant les germes de toutes les manifestations ; la force vitale menant aux métamorphoses : Khepera.                                            L’espace d’édification et de force de transformation que permet la loge.

Dans la première Trinité « Tem – Râ – Khepera» ; Tem était la Raison. Il était appelé, entre autres, « l’âme des âmes » et la création se produisit lorsqu’Il commença à parler au milieu du silence…

Tem, la raison, est donc l’âme dans laquelle était semé le Verbe-Râ. Or, l’Homme universel est l’être raisonnable qui possède le savoir. Son âme est donc le ferment que l’apprenti se doit de pacifier, de rectifier, par le silence qui lui est imposé. Ce silence, vecteur de perfectibilité, permettra au Verbe tout au long du chemin, de se développer, de croître, de s’exprimer. C’est le passage de la parole profane au Verbe de l’initié.

La parole est une vibration qui dans un souffle donne vie aux êtres comme aux choses, en les nommant. C’est Amon-Râ, le Verbe-Lumière, Soleil dans la bouche hiéroglyphique. C’est la symbolique de la cérémonie de l’ouverture de la bouche et des yeux, pratiquée par Inpou-Anubis.

Selon Constant Chevillon : « Les paroles empruntent la vie personnelle de l’orateur pour revêtir, à l’arrivée, celle de l’auditeur. Elles s’épanouissent dans la dispersion et la multiplicité des possibles  interprétations ». C’est ce que le rituel nous apprend, lorsqu’il demande aux maçons de semer le Verbe pour qu’il produise des fruits de tout genre et de toute espèce.

Lorsque Râ, le Logos-divin, darde ses rayons sur l’Homme, il ensemence une parcelle de son énergie dans son ferment de prédilection, une étincelle éternelle… Car l’âme de l’Homme est la terre naturelle du Verbe.

De parler d’UN sujet, au SUJET qui parle, l’Apprenti entreprend les trois premiers pas vers la proclamation du Soi, vers la manifestation du « JE SUIS ».

Et Verbum caro factum est (Et le Verbe s’est fait chair).

J’ai dit.

F :. Marc

Une réponse à Âme et Terre naturelle

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