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Vénérable Maître et vous tous mes sœurs et frères par les nombres qui nous sont connus.

Réflexion sur la phrase de notre rituel d’Initiation au Premier Degré :

Sous la conduite d’Hermès, guide des âmes dans l’au-delà, vous vous dirigez en aveugle vers la Lumière ineffable.

C’est juste avant de faire frapper à la porte du Temple le récipiendaire, au sortir du cabinet de réflexion,  que l’Expert va formuler cette phrase. Avec l’explication de la symbolique de la corde, l’Expert va signifier au profane que tout ce qu’il va vivre va se dérouler sur un autre plan. Un plan post-mortem que seule une « forme subtile » peut atteindre. Il ne s’agit donc pas de son corps physique, enveloppe charnelle, laissée avec son appareil funèbre. Le néophyte est en train de vivre une décorporation, une expérience de mort imminente dans laquelle il se dirigera vers la Lumière ineffable. Lumière au bout du tunnel… Seul un défunt peut traverser l’Amenti, le royaume d’Hadès.

Par la pronominalisation du verbe « initier » en « s’initier », dès le départ, le profane doit comprendre que tout est entre ses mains ; qu’il s’agit d’un voyage personnel de transformations intérieures.

Fort heureusement, il sera accompagné, guidé lors de cette expérience par le « guide des âmes de l’au-delà », Hermès en personne, ainsi que d’autres sœurs et frères en esprit attendant au sein du Temple, lieu sacré hors de l’espace et du temps… La franc-maçonnerie est un chemin de métamorphoses personnelles au sein d’un collectif !

C’est une prédestination heureuse et une « intervention providentielle » qui ont conduit l’impétrant jusqu’à cet instant. Alors, puisque désormais il est l’heure et qu’il va avoir l’âge, que le nocher lui prenne sa main et qu’ensemble ils tambourinent fortement à la porte du Temple. Son aventure commence et personne ne peut prévoir jusqu’où cela va le mener. « Vous qui entrez, laissez toute espérance ». Après tout, il n’y a que le premier pas qui coûte… sans réellement savoir exactement combien !

Mais qui est donc ce timonier en qui il faudrait avoir toute confiance ?

Après tout, jusqu’alors, le récipiendaire a eu les yeux bandés, a été dépouillé, enfermé, exhorté à écrire son testament, partiellement déshabillé, une corde passée autour du cou… et voilà que son tortionnaire l’invite à « mourir ».  A croire, qu’à cet instant, le profane est d’une bravoure à faire pâlir un preux chevalier antique. Ou bien, qu’il est atteint du syndrome de Stockholm à un stade très avancé !…

Chevalier…Bravoure….Ces termes ne sont pas sans rappeler un certain « Gentilhomme d’armes » du Moyen-Âge tardif du nom de Pierre Terrail, Seigneur de Bayard. Ce personnage historique haut en couleurs reste dans la mémoire collective un des symboles de l’esprit chevaleresque et de l’honneur en toute chose. La devise qui le guidait, était : « Accipit ut det », il reçoit pour donner, comme la Lune !

Pareil à notre satellite naturel qui reçoit la lumière de l’astre diurne et la renvoie,  le chevalier reçoit les biens-faits de sa vie pour donner aux plus faibles ou aux plus démunis. Inspiration exemplaire pour le récipiendaire désireux d’être un jour adoubé. Espoir d’un futur estimable, mais surtout indice fondamental pour découvrir le rôle majeur de la symbolique de la lumière nocturne et de l’au-delà!

« Rêvons, c’est l’heure. », disait Paul Verlaine dans «  La bonne chanson ».  Selon notre rituel, cette traversée de l’Amenti, de l’Hadès, tiendrait plutôt du « mauvais rêve ». Des lieux sombres, si sombres ! Et pourtant…

Notre guide, lui, se repère sans encombre et plus encore nous éclaire le chemin vers l’ineffable Lumière. Soleil Nocturne. Soleil Noir.

Quel est donc ce Génie dont l’éclat pénètre les confins les plus sombres, les ténèbres les plus opaques, déterre les secrets les plus enfouis ?

Puisqu’il nous dirige vers la Lumière, il semble cohérent de penser qu’il ne l’est pas lui-même totalement. Mais il est cependant en lien direct avec elle, il en connaît l’itinéraire, les pièges et les mauvaises rencontres…

Alors, qui de mieux que la Lune correspond à cette définition, et reçoit la lumière pour la donner ?

Dans notre rituel, ce nautonier est nommé Hermès. Un nom qui nous amène de fait en pleine étude des méandres mythologiques. Dans toute culture, dans toute allégorie des indices sont cachés et il nous appartient, de trier et de rassembler toutes les pièces du puzzle sacré si nous voulons avoir une vue d’ensemble cohérente. Véritable méthode d’enseignement, ces mythes et légendes ont transmis un savoir primordial, une connaissance du Cosmos et de son pendant microcosmique : l’homme. Ainsi, tel Thésée, armé de notre « rituel-fil d’Ariane », entrons dans ce labyrinthe pour tenter de trouver en son sein le rôle véritable de ce guide, dieu-principe original.

Selon l’auteur Ernst Siecke, pour les indo-européens (dont font partie les Celtes), Hermès était dieu de la Lune dans sa phase ascendante. Aspect masculin, mais partiel du développement lumineux de l’astre et de son action sur la Terre.

Les grecs, eux (puisque l’Hadès est cité dans le texte), avaient séparé l’astre nocturne d’une part, des fonctions d’Hermès d’autre part.

D’un côté, la Lune revêtait un aspect féminin. Une triade lunaire sous les noms d’Hécate, de Séléné et d’Artémis. Une Lune Trois Fois Puissante !

  • Artémis, sœur jumelle d’Apollon (dieu sauvage originairement lunaire – aspect masculin – qui deviendra solaire), représentait le croissant lunaire, naissance d’une idée, d’une résolution ou d’un être (dont elle était la protectrice) et déclin (dont elle était l’accompagnant).

Séléné, la pleine lune, figurait la maturité. Le rayonnement-reflet à son paroxysme. Projets accomplis ou avortés. Dans un hymne orphique, elle est « celle qui voit tout », « celle qui est sage »

– Puis, viennent les fruits de tous ces desseins jusqu’à leur délitement final dans la lune noire. Décès et concepts gravés. Hécate. Aspect le plus sombre de cette Tri-unité, mais aussi le plus porteur d’espoir, de devenir dans le creuset. Renaissance à la Nouvelle Lune. Imaginaire, archétypes, désirs et pensées.

Pour les initiés, toute idée, toute action a une cause et un effet, un temps précis pour être, un moment cosmique pour se réaliser.

Hécate, en tant que déesse symbolique de la mort (fille de Tartare) et de la renaissance est aussi conductrice des âmes, psychopompe. Magicienne patentée, cette déité d’ébène, a une apparence physique qui n’est pas sans rappeler celle des vierges noires, protectrices des chevaliers du Temple et des chevaliers Teutoniques. Viendraient-elles d’un Orient lointain ?

Le fils de Zeus et de Maïa, Hermès, est quant à lui connu comme le messager des dieux, protecteur des commerçants et des voleurs. Mais sous sa forme la plus ancienne, il était le guide des chemins, des routes, des carrefours. Ses représentations, les « hermai » étaient disséminées en tant que repère et gardien des errants. Les voyageurs empilaient des pierres en son honneur – tradition toujours en vigueur d’ailleurs avec les cairns des randonneurs en montagne.

Nul part en particulier prié, dans nul temple fermé, le subtil, le volatil Hermès (Mercure romain) est fixé dans un lieu plus éthéré. C’est dans les rêves que cet alchimiste sacré intervient. Il offre, aux initiés-cherchants, la possibilité de conserver la pleine conscience lorsqu’arrive le moment du grand sommeil. Pendant ce temps de repos pour le corps physique, il accompagne le cheminant relié par son fil d’argent. Il transmet toujours par énigmes, paraboles, métaphores ou  apologues sacrés les arcanes éponymes, la connaissance hermétique de la Tabula Smaragdina.

Nous verrons plus tard qu’il est aussi le guide des héros bravant des épreuves successives auxquelles aurait renoncé le commun.

Plus proche de notre rite, dans l’Egypte ptolémaïque, environ quatre siècles avant notre ère, apparaît une divinité mixte. Il s’agit d’Hermanubis. Déité fusion du dieu accompagnant les âmes et du dieu embaumeur vénéré dans toutes les cérémonies de « passage » vers l’au-delà.

A la fin de l’Antiquité, Hermès sera assimilé à Thot, dieu majeur de l’Egypte pharaonique. Le Trois Fois Grand, auteur notamment du Corpus Hermeticum.

C’est bien de cette lignée que se revendique l’Hermès de notre rite. Déité psychopompe choisit par les initiés.

Nous pourrions disserter longtemps sur toutes les fonctions, tous les rôles et titres de cette divinité tutélaire, mais nous nous attacherons ici, à ceux qui sont en lien direct avec les champs lexicaux de la voie, ainsi que de la lumière – ou de son absence…

Thot pour les grecs, Djehouty pour les égyptiens est une divinité double. Il est ibis sacré lorsqu’il figure le volatil alchimique, et babouin quand il symbolise le fixe. Solve et coagula. Djehouty, c’est l’Azoth ésotérique, occulte. La croix dans le cercle de l’Aurea Catena Homéri. Le point de jonction, d’équilibre, des énergies ascendantes et descendantes reliant les êtres d’un même plan et les plans entre eux. Ces aspects du dieu sont des plus importants en franc-maçonnerie, car c’est de cela que va dépendre toute la progression du néophyte. Balloté qu’il sera, de décès en naissances ; de morts en revivifications ; de chutes vertigineuses en ascensions exponentielles, jusqu’à retrouver sa place au carrefour de toutes les voies…

De sa tête ibiocéphale et son bec courbe, les égyptiens feront le lien avec le croissant de lune, puis la Lune elle-même. Nous retrouvons les symboles attachés à l’Hermès indo-européen et à la triade lunaire grecque. Notre astre nocturne n’est pas générateur de lumière en lui-même, il ne fait que refléter la lumière du Soleil.  Il « reçoit pour donner » à tous ceux qui sont encore enténébrés. Il est le vicaire d’Amon-Rê.

Trois Fois Grand, il détient les pouvoirs cumulés que sont : le pouvoir royal, le pouvoir sacerdotal et le pouvoir prophétique. Ce que devra tenter de développer le cheminant tout au long de l’échelle maçonnique. Maîtrise et connaissance de soi en ce monde hylique, pour le premier. Connexion aux sphères supérieures et prise de conscience de l’appartenance à un tout, au Tout, pour le second. Et pour le dernier, lien, relais, maillon doré de la chaîne reliant la Terre et le Ciel. Guidance détachée, hors du temps et de l’espace profane.

L’homme en s’incarnant est descendu bien bas dans la matière. La coagulation du corps astral a créé tant d’obstacles, de blocages énergétiques – qui se répercutent dans son enveloppe charnelle – que la Lumière ne perce plus l’obscurité des mémoires densifiées. Les chakras supérieurs se sont vrillés, puis fermés aux connexions d’avec la Source de Vérité.

Un peu plus haut nous évoquions le fil d’Ariane.  Un fil de lumière reliant l’homme aux plans supérieurs. Celui-ci s’est effiloché, et parfois même a été rompu. La conscience de la vraie Lumière, l’ « ineffable Lumière » de notre rituel s’est opacifiée. L’incarnation nous a terni, enténébré.

Nous sommes devenus malvoyants. Ce contact brisé, l’homme a tourné son regard vide vers le monde matériel. Recherche de toujours plus de jouissances physiques pour compenser cette perte. C’est la véritable symbolique de l’Adam Kadmon qu’il va falloir « retourner » pour permettre le rétablissement de la liaison lumineuse jusqu’à l’illumination. La remontée en taux vibratoires élevés, passera par de nombreuses épreuves, par des « stations ». Il nous faudra revisiter nos vieilles mémoires – les nôtres et celles de nos ascendants – l’amour sincère détaché du mauvais émotionnel, en plus, et de l’orgueil en moins. Aller contre nos peurs et nos angoisses générées par Hécate la Lune Noire. Bravoure chevaleresque de Bayard.

Nelson Mandela disait que le vrai courage n’était pas l’absence de peur mais bien la capacité à la vaincre. Fort heureusement notre guide Djehouty-Thot est un dieu magicien et un guérisseur. Il sera à même de nous aider à penser nos blessures…à condition de les reconnaître et les accepter !

Il est aussi le secrétaire divin. Celui qui, à l’instar du dieu Ganesh[1] en Inde, consigne toute la mémoire du monde, des mondes. Inscrire un message sur une tablette, ou une feuille de vélin, puis l’enflammer, c’est garder une trace indélébile, d’un contrat, d’un testament, d’un serment signé et inscrits « en lettre de feu », dans l’Éther sacré. Ne dit-on pas à propos de certaines choses, qu’elles sont ét(h)er-nelles ?

Il appartiendra à chaque « marcheur de la Voie Orientale » de se poser des questions sur ce lieu de recueil de l’histoire des plans. Ce que d’aucuns nomment les champs mémoriels cosmiques ou Annales Akashiques. Cette trame essentielle, (essence-ciel) à laquelle le cherchant véritable devra se relier s’il veut réussir à conceptualiser les intrications énergétiques à l’œuvre dans la Nature.

Qui de mieux placé que le dieu à tête d’ibis pour nous montrer la route de cette bibliothèque. Une route dont l’accès est, peut-être, plus intérieure qu’on ne pourrait le croire…

Selon notre rituel, le récipiendaire se dirige « en aveugle » vers la Lumière. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, symboliquement, la corde autour du cou, ce n’est pas avec son corps de chair que le néophyte va vivre cette traversée. Au moment où l’Expert prononce la phrase, le récipiendaire est déjà mort. Ses yeux, donc sa vue, sont quelque part restés avec son enveloppe charnelle. Comment alors pourrait-il voir quoi que ce soit dans ce plan plus subtil ? N’y aurait-il pas une autre vision à utiliser, à réveiller ? D’autres perceptions, d’autres « yeux » à activer ? Peut-être en tout cas un, en particulier, serait utile pour sortir de cette cécité…

« En aveugle »…ne serait-ce pas aussi une invitation au lâcher prise, à l’acceptation de nos limites et à leur dépassement? Le sacrifice pénible, mais salvateur d’une perception trompeuse car confortable. Exhortation à développer une forme de clairvoyance que possèdent ceux qui sont en relation avec des mondes aux vibrations plus hautes. Reviviscence cellulaire d’un appendice en sommeil – par le suivi d’une Ineffable Lumière  jusqu’à la jonction libératrice?

Le passage du « voir » par nos globes oculaires limitatifs au « percevoir » par l’esprit globalisant. L’intuition spirituelle directe. Il est dit que lors d’une projection astrale, la vision devient sphérique…

         Descente aux enfers, dans nos recoins les plus obscurs. Quel monstre s’y cache ? Quel combat va-t-il falloir mener et quelle expérience peut-on tirer de cette épreuve ?

Le mythe de Persée nous éclaire sur ce sujet. Lors de la traversée de son épreuve initiatique, il va devoir, avec l’aide d’Hermès commencer par rencontrer des êtres ténébreux : les trois Grées. Les orbites vides, elles ne devaient la captation de la lumière qu’à l’emploi d’un seul œil. Un œil unique qui leur apportait la magie de la clairvoyance. Ce sont ces créatures qui donneront l’emplacement du monstre abominable nommé Méduse. Tout le monde connaît la fin de cette histoire. Victoire de Persée qui décapitera Méduse avec l’aide du bouclier-miroir d’Athéna. Les grecs décapitaient une gorgone, comme les alchimistes décapitaient un corbeau. Œuvre au noir…

La partie plus ésotérique de cette épopée, tient à deux naissances. Du sang de l’une des plus hideuses et redoutées des créatures chtoniennes vont naître, Pégase le cheval blanc ailé – comme une intuition concernant la phase alchimique suivante – et Chrysaor le dieu à l’épée d’or, cuirassé du même métal précieux. Chrysopée naissant des quatre éléments et voilée derrière un acronyme de quatre lettres… Transmutation de la disgrâce en pureté, du vil en noble. Mémoire de sang. Mémoire cachée des ancêtres.

Le passage des douze portes de notre Amenti nous mènera toujours plus profond, à la rencontre de nos souvenirs enfouis, de nos manifestations cachés, de nos peurs indicibles.

C’est grâce à la résolution de toutes ces épreuves, sur le chemin « au-delà », que nous pourrons expérimenter véritablement. Nous connaître nous-même. Ainsi, ce que nous vivrons tout au long de l’échelle maçonnique, nous enseignera, nous forgera, – Tubalcain –  nous guidera sur la voie de la compréhension, sur celle de l’autonomie, en maçonnerie comme dans le monde profane. La vie extérieure et la vie intérieure sont des jumelles consubstantielles…

Autonomos : qui se régit par ses propres lois. Le récipiendaire, en frappant bruyamment en profane, prouve qu’il n’est pas encore dans la maîtrise de lui-même. Il n’a pas acquis le rythme des nombres qui nous sont connus. Il faudra qu’il soit guidé comme un enfant : «  Ma fille, venez avec moi… ». Volonté.

Nous pouvons retrouver peu ou prou cette même phrase impérative dans « le livre de la sortie au jour », chapitre 64 quand l’Osiris N. est interpellé par la déité ibiocéphale : « Venez à ma suite… ».

En tant qu’adepte, il faudra ensuite que le néophyte accepte de  marcher à la suite du dieu, qu’il le reconnaisse comme son mentor : « Mon élève, suivez-moi… ». Confiance intuitive voire abnégation de soi-même lors des purifications et voyages à venir, commencement de la route vers la Lumière ineffable…

Pour préciser encore l’importance de celui qui nous guide, Djehouty explique à l’Osiris N., toujours dans le chapitre 64: « Le héron-Nour se repose sur mes avis et l’Ennéade s’en remet à ce que je dis… ». Ici, Thot est le conseiller, le sage. Il est celui qui possède la Connaissance, sur lequel on peut compter : « Mon ami, appuyer vous sur moi ». Djehouty-Thot est le tiers sujet qui va permettre la transformation de l’être, sa mise sur la voie de l’autonomie.

Epistémologiquement, cette dernière implique une double reconnaissance : d’une part, l’acceptation explicite que la réalité est dépendante de l’activité du sujet ; qu’il existe autant de domaines, de réalités que le sujet est capable de créer. D’autre part, la reconnaissance de sa sagesse pratique personnelle, de la confiance en soi, de son jugement, de son intuition. Comment pourrions-nous comprendre et tirer expérience de la route accomplie, si les notions qui y seront développées ne se trouvaient pas déjà en nous, ne fusse que faiblement ?

Vigilance et Persévérance seront les maîtres-mots tout au long de notre chemin. Les mauvais compagnons ne sont pas toujours des êtres physiques extérieurs à soi. Le plus souvent l’ennemi est intérieur. Il faudra assister au tré-pas du vieil homme.

Cet apophtegme de deux termes, inscrit dans le cabinet de réflexion à côté du coq, héraut solaire, est l’annonciateur de l’apparition de la lumière renaissante.

Dans la phrase de notre rituel, cette « Lumière » est « ineffable », elle ne peut donc s’exprimer par des paroles.

Si l’écriture n’est que le substitut de la parole, Thot, avant que d’être le dieu des scribes, est aussi et surtout le « porte-parole » de Rê dans la nuit. Il est son suppléant nocturne. Pour les égyptiens, la parole étant créatrice, tout « prenait vie », existait, dans le monde hylique grâce à elle. La désignation d’objets, d’animaux, d’êtres, d’entités, par la phonation – vibration et souffle – et le langage articulé permettait à l’idée de voyager, et par l’intermédiaire du prêtre-mage de prendre forme. La pensée juste, l’intonation juste des vocables égyptiens retenaient en eux-mêmes l’énergie des choses qui apparaissaient et s’alignaient vibratoirement avec la fréquence de notre monde. Seule façon de se maintenir, en toute cohérence moléculaire, dans un état perceptible par ceux qui habitent cette Terre.

Dans le texte, la lumière est ineffable car la parole qui lui permettrait de redevenir définissable, donc sensible, au sens premier du terme, a été perdue… Il appartiendra à chacun de la rechercher. Prospecter à l’extérieur de soi, dans d’autres champs vibratoires et, de façon concomitante, à l’intérieur de son être vers ce que le Dr Pierrakos appelle « Le noyau rayonnant de l’être », ce que les bouddhistes appellent le diamant dans le lotus…

Au commencement, lumière blafarde du soleil nocturne, mais supportable au Septentrion du Temple pour l’Apprenti, elle prendra peu à peu force et vigueur en se déplaçant vers le Midi, sur Nout la voûte céleste. Par l’éveil des sens supérieurs, des roues énergétiques de l’homme, cette lumière changera de nature, passant de simple reflet du satellite naturel, à étoile flamboyante permettant ensuite l’accès de l’être à une vie supérieure, au sein de la Vraie Lumière, ce que d’aucuns nomment palingénésie…

Traverser les enfers de l’Amenti en aveugle, même avec le meilleur des guides n’est pas chose aisée. Il sera souvent nécessaire de lâcher prise et de se laisser éclairer directement par notre intuition.

C’est cette dernière que les égyptiens appelaient « respiration divine », dont Djehouty était la personnification, en tant que maître des souffles. Idée créatrice dont l’origine est mystérieuse. Inspiratio.  Que les grecs représentaient par des jeunes filles, muses antiques, filles de Mnémosyne. Maîtresses des Arts libéraux !

C’est le poète Victor Hugo qui situait l’intuition à la fois dans l’homme et dans le mystère. C’est aussi lui qui, dans une de ses fulgurances exaltées, ses « Proses philosophiques », écrivait: « C’est parce que l’intuition est surhumaine qu’il faut la croire ; c’est parce qu’elle est mystérieuse qu’il faut l’écouter ; c’est parce qu’elle semble obscure qu’elle est lumineuse. »

Mettre en mot, décrire ce que serait la Lumière ineffable, est un non-sens. Nous pouvons, tout au plus, réfléchir aux moyens possibles de nous laisser adombrer par elle et d’espérer supporter son éclat. Itinéraire hermétique, ésotérique, symbolisé par le caducée d’Hermès, que ceux de la voie égyptienne chercheront à réactiver par la science de l’initiation et l’activation progressive des centres énergétiques de l’être.

Eveiller la conscience, c’est recréer des liens perdus. Se remettre à l’écoute de soi, de l’inconscient personnel, puis collectif et enfin universel. Mais aussi, comme nous le suggère l’aspect thérianthropique des dieux-principes des premières cultures,  nous reconnecter avec notre environnement ici-bas, et au-delà avec l’entière Nature…

Le néophyte en entendant cette phrase de notre rituel d’initiation au premier degré, est bien loin de se douter de toutes ses implications. Il n’a pas encore conscience qu’en passant la porte basse du Temple, il va devenir l’une des abeilles du poème « Clair de lune » de Guillaume d’Apollinaire.

Lune mellifluente aux lèvres des déments

Les Vergers et les bourgs cette nuit sont gourmands

Les astres assez bien figurent les abeilles

De ce miel lumineux qui dégoute les treilles

Car voici que tout doux et leur tombant du ciel

Chaque rayon de lune est un rayon de miel (…)

J’ai dit.

Mrc.°. BSSLN.°.

 

 

 

 

 

 

[1] Il est intéressant de noter que l’un des attributs sacré de ce dieu majeur de l’hindouisme est une corde avec un nœud coulant, ou pasha, dont la fonction symbolique est de capturer l’erreur. Il est appelé VINÂYAKA, le « meilleur des guides »…

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