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– «IL  ETAIT UNE FOIS…» –

«Il était une fois…» un objet de musée ; « il était une fois…» une histoire qui peut nous sembler lointaine même si elle nous est bien connue à tous. Mais «il était une fois…» aussi  Notre aventure à nous…

I – Il était une fois un objet : le Djed, une image de la stabilité

Totem au néolitique, puis fétiche lié au grain de blé, le Djed symbole était associé au Neter Ptah de Memphis – le grand prêtre de Ptah portait le titre de « Noble du Djed« . Son redressement – tel que cela se passait à Abydos – était destiné à réactiver la stabilité de la monarchie, renouvelant ainsi un cycle de stabilité, unité, continuité, rétablissant la circulation de ce que nous pouvons appeler l’énergie primordiale. Djed signifie d’ailleurs en égyptien «durée», «stabilité». Ce Djed est un arbre-pilier, le symbole de la Victoire d’Osiris sur Seth, le symbole de la vie sur la mort.

C’est donc le talisman bien connu que l’on retrouve sur la momie, un objet intégré à la tombe, sous forme d’un pilier en faïence. Il est placé dans une brique d’argile et scellé avec de la terre imprégnée d’huile de cèdre, dans une niche du Mur Ouest et sa présence écartait de la demeure d’éternité tous les ennemis d’Osiris.

Au Moyen-Empire il est représenté dans les sarcophages à proximité de la colonne vertébrale du défunt, et au Nouvel Empire il est clairement identifié à la colonne vertébrale d’Osiris. Composé d’un axe vertical que l’on peut ainsi assimiler aussi au Premier Temple Divin sur terre, il permet la libre circulation de l’énergie et était perçu comme le symbole de l’esprit au cœur de la matière, qui permettait aux anciens Egyptiens de devenir un esprit lumineux dans l’au-delà.

Signe de stabilité, le pilier Djed était assimilé à la colonne vertébrale d’Osiris qui était conservée à Busiris, les quatre barres horizontales du pilier représenteraient ainsi les vertèbres cervicales d’Osiris, dieu de la fécondité, de la résurrection et de la stabilité. Ce Pilier évoque également l’indispensable stabilité du pays et la nécessité de maintenir la cohésion de la Haute et de la Basse-Egypte.

Les anciens Egyptiens entouraient leurs momies et leurs statues d’amulettes protectrices, afin de repousser les forces du mal: l’une des plus efficaces était donc le pilier Djed. On comprend donc qu’il servit également de modèle à de nombreux pendentifs, amulettes et talismans censés protéger non seulement les morts, mais aussi les vivants, des objets dont on trouve de nombreux exemplaires dans les musées d’Alexandrie et du Louvre. C’est le nom d’un motif représenté depuis la période thinite dont la signification originelle reste discutée, il est vrai.

On a notamment pu dire qu’il s’agirait de la stylisation d’un arbre en fleurs ou d’un pilier constitué par des faisceaux de gerbes. Selon l’interprétation de l’égyptologie traditionnelle, le pilier Djed figure à l’origine un arbre aux branches coupées qui jouait un rôle dans les rites de fertilité. Il semble en fait ainsi tirer son origine d’un ancien culte du bétail en représentant à l’origine la partie postérieure d’une colonne vertébrale bovine. Quoi qu’il en soit, on comprend ainsi mieux qu’il jouait un rôle de premier plan dans les rites agricoles, car il représentait, debout, la résurrection d’Osiris devenu le pilier de l’Egypte et du monde, le principe éternel reliant la Terre au monde céleste.

Associé à Osiris, Néter de la fécondité et de la renaissance, il devient ainsi le symbole de la résurrection et de la stabilité. De manière générale, nous ne sommes pas très loin de l’arbre sacré, de l’Arbre de Vie de la Kabbale. Le rite d’ériger un Pilier Djed équivalait à rendre la vie au Néter : l’érection du Djed n’est qu’une des multiples variations sur le thème d’Osiris démembré, rassemblé, revitalisé.

Pilier en forme de tronc ébranché attribué au dieu Osiris, qui symbolise la colonne vertébrale du dieu assassiné, il symbolise aussi la continuité, la stabilité de l’univers et son harmonie, ce que l’on représentait pendant la fête Sed lorsque le roi d’Egypte érigeait le pilier sacré pour le dieu Ptah à Memphis.

Parce que Seth renversa ce Pilier en tuant son frère Osiris, le Pharaon avait comme premier devoir de le redresser rituellement pendant la cérémonie de son couronnement, puis au moment de ses jubilés. Ce symbole est donc étroitement lié à l’idée de stabilité et surtout de redressement dans le sens de la résurrection.

Les quatre plateaux ont été par ailleurs vus comme figurant les quatre points cardinaux, mais aussi les quatre éléments du Verbe incarné : le feu (Rê), l’eau (Tefnout), l’air (Shou), la terre (Geb). Cette métaphore de l’arbre-pilier aux branches coupées cache peut-être aussi un savoir ancien datant du Premier Temps d’Horus. C’est cette même symbolique qu’annoncent les deux yeux placés au sommet du Pilier, montrant que le Soleil et la Lune, yeux de l’univers, sont toujours attentifs à la vie des humains.

II – Il était une fois une histoire bien lointaine et néanmoins connue de chacun

Pour les Egyptiens, Osiris était d’abord le principe cosmique du Père, l’Origine de tout commencement, de toute création. C’est pour cela qu’on le représente avec deux ailes autour de sa coiffe, et un serpent qui descend tout le long de cette coiffe. Ces ailes symbolisent l’intelligence cosmique qui a pensé l’univers, et qui vole au-dessus de sa Création comme un veilleur éternel. Le serpent qui descend représente l’âme universelle, l’eau de la vie qui coule à l’intérieur de toutes les créatures de l’univers, animant et soutenant toute la Création.

Dans sa main gauche, Osiris tient le sceptre de la royauté, symbole de la maîtrise sur le monde inférieur de Seth et de ses forces destructrices. Dans sa main droite, il tient la faux, symbole de la prêtrise et de la sauvegarde du monde supérieur des Dieux, qui ne récoltent que ce qui est bon, tout ce qui est sorti des ténèbres de la nuit pour s’offrir au royaume de la lumière sans fin. La faux sépare le vrai du faux, le bon du mauvais, le subtil de l’épais.

Ainsi, – il est très important de le souligner -, accueillir une statue d’Osiris chez soi, c’est accueillir le don de remettre de l’ordre dans sa vie extérieure comme intérieure, de faire le tri et de ne garder que le meilleur.  Sa présence confère aussi la capacité de maîtriser les conditions extérieures et de retirer une sagesse, un bienfait d’absolument n’importe quelle situation: c’est la vertu de la faux qui empêche ainsi la vie de devenir stérile. Elle lui permet au contraire d’être fertile en réussite et en bonheur dans tous les domaines de la vie humaine. Osiris rend tout fécond, il est la semence de la vie et en même temps le feu qui la fait littéralement «pousser», et qui la fait s’élancer vers les étoiles.

Pour les Egyptiens, Osiris est l’Homme Cosmique, il représente la conscience supérieure de la première vague de vie humaine qu’Il créa. Osiris ne faisait qu’un avec l’homme primordial, à l’instar de l’Adam dans la Genèse biblique. Mais dans cette première humanité, une partie succomba à la tentation de Seth de devenir des Neter créateurs en dehors du royaume d’Osiris et de ses lois. Alors Osiris, la conscience supérieure de l’homme originel, tomba en sommeil, enfermée dans un corps en formation d’homme déchu : la réalité du corps prit le dessus sur la réalité de l’esprit et l’homme fut coupé de son origine divine. C’est l’homme cosmique déchu.

C’est pour cela qu’il est dit qu’Osiris fut mis dans un sarcophage puis jeté dans le Nil. En outre pour les Egyptiens, chacun des éléments qui composaient leur pays avait une correspondance exacte avec le corps de l’être humain et aussi avec le cosmos. Ainsi dans l’humain : le Nil était la colonne vertébrale ; et le sarcophage le corps tout entier. Cela rejoint d’ailleurs la tradition indienne qui enseigne depuis plusieurs millénaires que l’être humain a perdu sa force créatrice divine, et qu’elle se tient prisonnière du corps à la base de sa colonne vertébrale.

Alors, Isis -on le sait- profondément attristée par le sort inattendu réservé à son époux et à l’humanité, décida de faire un pacte temporaire avec Seth afin de sauver Osiris. Elle descendit vers le monde de Seth, la matière sombre où tout n’était que chaos et désolation.

Elle vit l’homme perdu, abandonné à lui-même et à des forces destructrices, et prit en son sein toutes les poussières d’étoiles tombées du ciel en l’organisant en un ordre cosmique, pour que puissent naître les galaxies et les créatures de la Terre. Le Principe Féminin permet ainsi à l’homme de contempler à nouveau l’intelligence cosmique régissant l’univers, et décider de devenir à l’image de son Père Osiris, un créateur de mondes dans la liberté, l’harmonie et la paix.

En faisant apparaître le ciel étoilé, Isis éveilla en l’homme le souvenir de sa patrie originelle, une patrie faite de beauté sans limites où il vivait en harmonie parfaite avec toutes les créatures. Notre patrie. C’est bien pourquoi il est dit qu’Isis sauva Osiris des eaux du Nil et le posa sur une terre fertile et abondante. En replaçant l’homme dans un ordre terrestre reflétant l’ordre céleste, Isis donna une chance à l’homme de pouvoir s’harmoniser de nouveau avec le royaume de justice et de paix instauré par Osiris dans le monde des Neter. Ainsi, l’homme put sortir des eaux tumultueuses de Seth qui lui voilaient la lumière du Soleil. L’homme entra dans un nouveau monde et retrouva la paix et la stabilité de sa patrie originelle. L’humanité se trouva de nouveau réunie dans une conscience supérieure commune, et Osiris redevint le Roi de l’Humanité qu’il était.

Quel est en effet à cet égard le cheminement de la pensée égyptienne ?… La vie dans le cosmos est soumise aux pulsations rythmiques, tel le fait d’inspirer et d’expirer, la nuit et le jour, l’été et l’hiver, des rythmes qui font partie de notre devoir cosmique… L’être humain, placé devant un cadavre figé, voit dans le phénomène de la mort la négation du changement, du Devenir ; il identifie donc la Mort avec la catégorie ontologique de l’Etre et, par suite, avec l’éternité. Des exégètes de l’histoire d’Osiris ont ainsi souligné que si l’on faisait pénétrer la vie dans le processus de la mort, englobant celle-ci dans un cadre ainsi élargi, la mort se révélerait alors comme un nouvel aspect de la vie -et la notion d’une mort-anéantissement apparaîtrait comme une illusion derrière laquelle la vie -en vérité inépuisable- poursuivrait son œuvre d’épanouissement dans un parfait Infini.

L’Initié Egyptien partait du principe que le phénomène de la mort physique n’était qu’une métamorphose de la conscience. Pour lui, l’âme, après avoir franchi le «Seuil» parcourait les étapes successives d’une évolution «normale». Il le savait, mais il voulait cependant autre chose, et sa science ésotérique lui permettait d’oser bien plus que nous ne le pouvons parfois aujourd’hui… il le faisait de même que nous formons et modelons, à l’aide de nos technologies à nous, la matière physique qui nous entoure. Pourquoi se priver de le dire ici ?… Loin de nous asservir à quelques rationalités dépassées comme a pu le faire un monde industriel -aujourd’hui heureusement d’un autre temps- il est des technologies comme celles de notre monde qui nous aident à penser la transcendance, l’ailleurs, l’au-delà…

Au travers de l’aventure d’Osiris, elles nous permettent ainsi d’augmenter notre monde, d’augmenter nos environnements, d’enrichir nos savoirs et surtout leur partage, et en bout de course d’augmenter nos vies. L’image de la stabilité et de la durée osiriennes, leur dynamique que nous pouvons inscrire en nous-mêmes, c’est en définitive de l’alchimie géo-localisée à Héliopolis, Hermopolis et Abydos, mais c’est aussi de la réalité spirituelle augmentée.

Le Djed nous parle donc bien de la mort et de l’Au-Delà. On a pu dire en effet que l’Egyptien n’ambitionnait rien de moins que de modifier l’évolution «normale» de l’âme dans la vie posthume, et qu’il entendait ainsi lui conférer une sorte de mission spirituelle. C’est vrai dans la mesure où la mort ne constituait pour l’Egyptien que la première étape d’une longue chaîne de phénomènes d’ordre supra-physique, où la mort physique étant le premier maillon de cette chaîne, si l’on parvenait à la paralyser ou à la neutraliser en modifiant la nature même de ce premier maillon, toute la chaîne, toute la série des phénomènes qui s’ensuivaient était bousculée, disloquée, et orientée comme il souhaitait modeler le cours de l’évolution posthume.

Après avoir aboli la barrière entre la Vie et la Mort, entre l’Ici-bas et l’Au-delà, l’Egyptien procédait à en abolir d’autres : entre le monde divin et les mondes animal et végétal, entre l’humain et le Neter, entre le passé et l’avenir bien sûr, entre différentes modalités d’existence aussi. D’où cette insistance à représenter, figurer et vivre la durée et la stabilité !

Pour se démontrer à lui-même et pour prouver aux autres sa toute puissance, le défunt peut devenir -au travers d’allégories de toutes espèce – tout à la fois faucon, serpent, disque solaire, tamaris ; tour à tour toutes les divinités du Ciel et du Monde Inférieur. Mais -tous les exégètes de l’horizon culturel égyptien l’ont écrit à satiété- ces métamorphoses n’intéressaient que la superficie de l’être : le Moi qui est «l’Hier, l’Aujourd’hui et le Demain, et dont le Nom demeure un mystère» restait immuable.

Il n’y avait qu’un pas à franchir entre l’idée de la métamorphose universelle et la notion d’une potentialité cosmique universelle pure et simple. Ce pas fut franchi. C’est ainsi que l’Egyptien fut amené à nier la distinction entre la réalité et la possibilité. La notion de l’impossible n’existait pas pour lui -extraordinaire leçon pour nous- la seule chose impossible pour lui, était peut-être justement «l’impossible».

Rappelons-nous toutes ces formulations auxquelles nous ne prêtons pas toujours notre attention : Hathor par exemple, est «la mère de son père et la fille de son fils». Toutes les données du monde visible et invisible s’amalgamaient, s’unissaient dans une sorte d’alchimie de l’invraisemblable, pour produire des formes nouvelles et inédites : les Neter à têtes d’animaux, un Neter à la double tête de lion, une Neter au corps de scorpion, un serpent à trois têtes dont une à la queue -et marchant sur quatre pieds humains, des plantes tendant des bras humains… Nous l’avons dit : la seule chose impossible est «l’impossible» !…

3 – Il était une fois notre propre histoire

Que ne l’a-t’on souvent dit en cette Loge !… L’énigmatique, le mystérieux, le problématique était pour l’Egyptien un besoin aussi impérieux que l’est pour l’humain d’aujourd’hui, la cohésion de la structure logique. Le Khepra -le devenir cosmique- le rendait admiratif et songeur…au travers d’une autre image qui est celle du scarabée.

Ce qui est ainsi arrivé à Osiris dénote un obscurcissement de son caractère solaire, une atténuation de ses attributs divins…Pour pouvoir retourner à ses origines, il doit mourir et renaître. Le Mythe d’Isis et d’Osiris narre le chemin initiatique que l’être humain qui a chuté, devra parcourir pour pouvoir se réintégrer…

Osiris représente l’humain tombé et coupé en morceaux… Le drame d’Osiris est le drame de cet humain qui, devenu esclave du devenir, se trahit lui-même. Veillons donc à ce que cela ne soit en rien ou en tout cas ne devienne jamais, notre propre histoire. Car dans ce drame, il faut considérer les divers personnages comme un seul, Osiris donc sous des aspects divers : dans la représentation, les divers aspects deviennent nécessairement des personnages. Seth, frère cadet d’Osiris, fils de la même mère et du même père, a une nature humaine et divine, comme Osiris. Il est un aspect de la «chute» d’Osiris, de ce que d’aucuns ont pu appeler «la carence de sa virilité spirituelle» ; il est l’ombre d’Osiris, sa partie négative et tellurique. Nul ne peut trahir l’homme sans se trahir lui-même… Et  Osiris a indéniablement écouté la partie négative de lui-même. Seth a de son côté décrété sa propre mort parce que c’est seulement à travers celle-ci et son passage dans les eaux qu’il pouvait renaître, et après avoir connu le règne de l’au-delà, devenir dieu de l’ «autre terre».  La destruction manquée de Seth, qui est placé à côté du vainqueur en position subalterne de vice-roi, signifie que nulle force ne doit être détruite, mais bien plutôt transmutée et dominée.

Nous avons parlé de «virilité spirituelle». Mais dans l’extraordinaire histoire qui nous est contée, Isis représente quant à elle la force universelle liée à son époux, «l’éternel féminin» osera-t-on dire. Quoiqu’il en soit, son action, à travers laquelle elle redonne vie éternelle à Osiris, nous rappelle que la renaissance de l’homme est totalement impossible sans la renaissance de la femme. Le drame d’Osiris est étroitement lié à l’opération alchimique, qui ne peut faire abstraction dans son développement et dans son accomplissement, de l’action «sublimante» de la femme, mercure philosophique, ni même de la méthode hermétique.

La mort par le démembrement est le Solve, la recomposition par l’œuvre d’Isis est le Coagula…(dissolution – évaporation). Nous sommes pleinement dans la Tradition Initiatique, qui rejoint de fait notre présence à tous ce soir. La réunion et la recomposition des morceaux d’Osiris, la naissance d’Horus et sa victoire sur Seth sont des aspects équivalant à la reconstruction d’Osiris, à sa renaissance consécutive à la victoire sur ses propres défauts, et ses propres passions. Osiris veille encore indéniablement à nos Portes.

Rl Djehouty-Thot (Par-Isis)

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